Show me, but don't ever teach me
Il n’avait pas eu peur du Joker, des coups ou de la menace, non. Il n’avait pas eu peur de l’obscurité, de l’odeur humide de l’entrepôt, de la barre de métal qui vole encore et encore sur sa peau. La peur, elle n’était tournée que vers un homme : Bruce. Parce qu’il était à terre et que, à terre, Robin ne devait jamais l’être. A quoi cela servait donc pour Batman, d’avoir un coéquipier incapable de l’aider ? Robin n’était pas fait pour être un point faible : enfant à capturer, l’otage à toujours avoir sous la main, non Robin se devait d’être un bouclier de plus contre le crime et l’inhumanité. Un bouclier, oui, pas une brèche…
Anesthésié par la douleur, Jason était incapable de réfléchir correctement. Il ne restait simplement que cette terreur pure et simple, de voir Batman arriver pour le découvrir à terre ainsi, agonisant dans son propre sang. Ce serait comme le trahir non ? Lui prouver qu’il n’était pas Robin, que le seul à mériter ce rôle serait toujours Grayson, et que lui, Jason, ne serait jamais rien d’autre qu’un gamin des rues.
Un gamin incapable de quoi que ce soit de bien.
Un héros, il avait pensé pouvoir le devenir pourtant, retourner toute la violence qui l’habitait vers un chemin mieux tracé, plus codifié, mais non… Une ordure est condamnée à n’être que cela : une ordure.
Il y avait cette colère en lui, qui explosait en autant d’hématomes que le pied de biche lui laissait, voir peut être plus. Cette colère que depuis gamin, il n’avait jamais appris à refouler, jusqu’à faire la guerre bien moins au crime, qu’à lui-même. Ce que Jason avait toujours combattu, c’était lui, rien d’autre que lui. Son incompréhension à reconnaître une main pour l’aider d’une autre qui frappe, les mots durs qui sauvent et non condamnent, tout cela…
Son incompréhension du monde, aussi, là où les victimes se suicident et où les coupables ne sont pas punis, ne sont
jamais punis.
Est-ce que ce serait le cas pour le Joker ? Le Joker qui le tuait, riant de lui, riant de tout… A moins que quelqu’un –
Batman, si je meurs tu pourras pas m’engueuler, pas vrai ? Alors tout va bien…-ne choisisse de le lui faire payer.
Parce qu’il y a des choses auxquelles il devrait être interdit d’échapper, comme pour Felipe Garzonas, un homme, une bête, une ordure… Qu’est-ce qu’on peut faire face à l’immunité diplomatique, qu’est-ce qu’on peut faire pour une fille désespérée, morte, suicidée ?
Qu’est-ce qu’on peut faire ?!
Rien, tout, peut-être quelque chose… Et où est la part de mensonge, où est celle de vérité ? Devant Batman, Jason nia toujours le meurtre, prétextant l’accident. Peut-être était-ce vraiment ce qui arriva ? A moins que son esprit, encore celui d’un enfant après tout, ne cherche à le protéger par de fausses excuses en quoi il pouvait croire…
Quoi qu’il en soit, la mort de Garzonas ne fut pas sans conséquence. Le monstre avait eu un père, un père désireux de venger son enfant. Cela se termina en bain de sang, un carnage dont Batman avait voulu le protéger pourtant, mais qu’importe car y était mêlé et que tout cela faisait parti de lui, oui, parti de lui…
En silence il s’était tenu devant les cadavres, prenant conscience de la conséquence de ses actes. Le monde, c’est l’injustice, voilà tout et contre cela, même le Batman ne pouvait y faire quelque chose.
Mais contre son meurtre à lui, Jason Todd, Bruce agira, pas vrai ? Le jeune garçon ne savait même pas combien de temps il allait encore tenir. Cela ressemblait presque à un concours d’apnée, quelque chose de complètement absurde. La douleur était partout, ne lui laissait aucun répit, de même que chacun des sarcasmes du Joker. Alors Jason faisait ce qu’il savait faire le mieux : être insolent. C’est pas facile quand on crache du sang, c’est pas facile lorsque les yeux refusent de s’ouvrir et que l’on veut juste que tout s’arrête, non c’est pas facile…
Weep for yourself, my man,
You'll never be what is in your heart
Weep little lion man,
You're not as brave as you were at the start
Le tic tac d’une bombe et puis…
Et puis mourir comme ça, hargneux contre le monde, désespéré par nos actes, désespéré de n’avoir pu revoir certains visages une dernière fois, avant de hurler pardon parce que bon dieu, tout ce que l’on a fait, c’était un ratage complet…
La douleur de Batman, la douleur de Bruce Wayne, Jason n’en sut rien. Un mort n’a jamais de connaissance de son deuil.
Dans la mort, il n’y a rien d’autre que le néant, et peut-être cela aurait été bien mieux pour lui que mort, il le reste ?
Hélas la vie est une douleur, une douleur qu’on allait lui rendre par les maléfices du puit de Lazare. Sa résurrection ? Cela est au-delà des mots, une souffrance tout autant physique que morale et ça jamais il ne pourra l’expliquer. Au bord de la folie et des ténèbres, il du réapprendre que le monde n’avait changé en rien, que des enfants continuaient de mourir et des criminels de s’échapper.
Sa colère explosa alors, sang dans ses veines et oxygène de son monde. Oui, colère, vengeance… Parce qu’il y avait une chose que Jason ne pardonnait pas, ne pardonnerait jamais : le Joker était toujours vivant et surtout, en pleine forme.
Ainsi son meurtre avait été impuni, oublié ?
Batman patrouille avec un nouveau Robin désormais, un différent de Grayson, un que Jason n’aura jamais été.
Jason, le Robin dont nul ne veut se souvenir, car qui dont peut être fier de ses actions ?
You haven’t met me, I’m the only son !
Fils de qui, de quoi? Pas de Batman, pas de Bruce, il est désormais l’enfant sans père, sans conduite et sans moral. Un spectre pour les rues de Gotham et du monde, combattant la violence par sa propre brutalité et s’avançant loin, toujours plus loin du chemin de la rédemption.
Le gamin débrouillard qui tenta de trafiquer la Batmobile, bien caché sous l’insolence se trouvait malgré tout un trésor d’innocence et innocent, le Robin agonisant l’était encore. Cependant, Red Hood, mort et ressuscité, que reste-t-il à sauver en lui ?